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Clément et sa Baloo: un road trip de 10 mois en Amérique du Sud

 

PORTRAITS

Toute l’année, nous suivons des voyageurs au long cours. Nous en rencontrons certains en voyage, d’autres chez nous. Et c’est toujours l’occasion de partager nos découvertes et notre passion pour le voyage et l’aventure.

Depuis 2018, Clément sillonne les routes d’Amérique du Sud pour sensibiliser le grand public sur l’importance de l’écosystème d’Amérique Latine pour notre planète. 

En partenariat avec de nombreuses associations, il apporte une aide matérielle et financière à plusieurs centres de protection de la faune et de la flore, et à de nombreuses écoles, tout au long de sa route. Interview de ce grand aventurier.

Clement amérique du sud
clément amérique du sud

Comment est née ton idée de voyage en Amérique du Sud ?

Le choix de l’Amérique du Sud n’est pas le fruit du hasard. Je m’étais toujours promis de me lancer dans un long voyage pour me challenger et sortir réellement de ma zone de confort à la fin de mes études. 

J’avais déjà eu la chance de bien visiter le continent asiatique et j’ai passé quelques années en Océanie. Il me restait trois grandes zones potentielles. L’Afrique, l’Asie Centrale et l’Amérique Latine. 

Je ne me sentais pas encore prêt à découvrir le continent africain et je me réserve l’Asie Centrale pour un tout autre projet. J’avais envie de grands espaces, de montagnes, d’une liberté d’esprit et de mouvement qui me paraissaient alors être les caractéristiques de l’Amérique du Sud. 

J’ai toujours été attiré par de nombreux aspects d’Amérique du Sud. L’histoire des Incas et des autres peuples autochtones. Les sommets des Andes. Des pays ayant une culture forte. Une langue commune pour la plupart des pays, facilitant les échanges avec les locaux. La Patagonie. La jungle. Les déserts. Bref, l’Amérique du Sud était une évidence.

Je voyage depuis que je suis enfant. J’ai été bercé là-dedans et j’ai du mal à ne pas monter projets sur projets pour partir à la découverte de nouveaux endroits et de nouvelles cultures. Je crois même être incapable d’envisager la vie autrement à ce jour.

« Je ne me sentais pas encore prêt à découvrir le continent africain et je me réserve l’Asie Centrale pour un tout autre projet. »

clément amérique du sud

Comment as-tu préparé ton voyage à moto ?

J’ai commencé à préparer cette aventure en étant basé en Nouvelle-Zélande. J’ai eu le temps de réfléchir à la mise en place de ce voyage. A la création d’un projet complet, à la méthodologie à suivre et j’ai eu le temps de définir mes besoins et mes envies. Je me suis beaucoup renseigné en lisant des livres pour les voyageurs à moto. Cela m’a permis de comprendre quel était le / les modèles de motos intéressant, les modifications à faire et comment se déroulait la vie nomade sur deux-roues.

C’est avec mon père, et à mon retour en France, que j’ai acheté et modifié une Kawasaki KLR650 de 2003. Un monocylindre à carburateur typé trail passe partout. On ne peut pas vraiment se tromper avec ce genre d’engin et après avoir effectué quelques modifications (plus gros réservoir, système de bagagerie, châssis renforcé, protections en tout genre, selle et autre agrément plus confortable…), Baloo était né. 

L’autre aspect important de ma préparation était la mise en place d’un projet solidaire. Je voulais axer mon aventure sur l’humain et sur l’aide que je pouvais apporter sur la route. 

J’ai donc contacté énormément d’associations partout en Amérique du Sud qui défendent l’accès à l’éducation et la protection de l’environnement. Ensemble, nous avons évalué comment mon soutien pouvait être utile et quels étaient les projets potentiels à mettre en place. 

Une fois 4 associations sélectionnées, j’ai alors lancé une campagne de récolte de fonds entièrement dédiée à ces associations et 5000€ ont été reçus par presque 100 donateurs différent.

clément amérique du sud
clément amérique du sud

Quel était ton itinéraire ?

Je n’ai jamais vraiment eu d’itinéraire gravé dans la roche. 

Je savais que mon point de départ serais Cayenne en Guyane Française. Ce choix a été fait pour deux raisons. La première était ma volonté de voyager au Brésil en longeant la côte du Nord au Sud et ainsi prendre le temps de bien explorer chaque région. Le deuxième motif a été la simplicité d’envoi de la moto en France sur le territoire Guyanais. Pas de barrière de langue.

J’avais bien évidemment des zones que je voulais absolument visiter comme la Patagonie, le Désert d’Atacama, l’Etat du Minas Gerais au Brésil, etc. Mais sans aucun itinéraire précis je me suis lancé à l’assaut du continent en suivant un cap. 

Au départ, cap Sud de la Guyane jusqu’à Ushuaia en Argentine. Une fois là-bas, on n’a d’autres choix que de remonter au Nord. J’avais pour habitude de ne jamais savoir quelle route j’allais emprunter en me levant le matin. 

Je connaissais mon point de départ et ma prochaine étape (qui pouvait être le lendemain ou dans plusieurs jours / semaines). Entre temps, je me laissais voguer au grès de la météo, des conditions, des rencontres et de mes envies.

J’avais la chance de n’avoir aucune date butoir de retour à respecter. C’était un véritable luxe que de se laisser porter chaque jour part l’inconnue sans cette pression de rendement derrière afin de tenir une deadline. Je pouvais rouler 30 minutes tout comme 8h ou 9h. 

A ce jour, j’ai donc parcouru 40 000km sur 10 mois au départ de Guyane en Septembre 2018. J’ai suivi la majorité de la côté brésilienne après avoir traversé une petite portion de jungle amazonienne. 

Une fois à Rio de Janeiro et après quelques dégustations de Caïpirinhas, j’ai rejoint les fameuses chûtes d’Iguazu pour Noël. Un rapide stop à Buenos Aires pour la nouvelle année m’a permis de rejoindre Mendoza aux portes des Andes après avoir traversé l’Argentine d’Est en Ouest à travers la Pampa. 

De là, j’ai entamé ma descente au Sud en suivant (en partie) la Ruta 40. La région des 7 Lacs, Bariloche, la Patagonie, le Fitz Roy, le glacier du Perito Moreno et enfin la Terre de feu. 

Pour repartir au Nord, j’ai majoritairement suivi la Carretera Austral au Chili qui était un des moments très attendus de mon aventure. Sans déception aucune. Un moment inoubliable. 

Au niveau de Santiago, j’ai de nouveau basculé en Argentine pour continuer mon ascension du continent. La région de Salta, les premiers véritables passages en haute altitude, les décors qui changent, le désert de sel du Salinas Grandes. J’en ai encore des frissons. 

Mon voyage s’est malheureusement stoppé dans le Nord du Chile à cause de problèmes médicaux. J’ai dû être rapatrié en Août 2019 avec pour ambition de repartir en Avril 2020. 

Cependant, avec la crise sanitaire actuelle, je ne peux reprendre la route pour le moment. Ma moto et mes affaires sont toujours sur place et sont en attente de mon retour. 

itinéraire moto en amérique du sud de clément
clément amérique du sud
clément amérique du sud

Pourquoi avoir voyagé à moto ? 

Cela change absolument tout. J’ai déjà voyagé en sac à dos et en van. Mais en deux roues, on est tellement libre. Surtout si l’on dispose du nécessaire pour le bivouac. 

Je ne pensais pas qu’il était possible de ressentir autant de plénitude, d’intégrité, d’accord avec soi. Régulièrement je me disais: « Tu es exactement où tu devrais être ». 

C’est juste bluffant de se sentir aussi libre de toutes pressions, de tous codes. On peut aller n’importe où, n’importe quand. C’est juste une sensation de liberté incroyable.

En sac à dos, on dépend beaucoup (trop) des transports en commun ou des locaux lors des portions en stop. On visite donc énormément les villes mais moins les environs. 

A moto, c’est l’inverse. Je passe mon temps à découvrir et explorer profondément chaque région et ne me rends en ville que pour l’achat d’essence, de nourriture et optionellement pour prendre une douche. 

Autrement, la vie se fait sur la route et pour la route. Il est plus simple d’accéder à certaines zones que même les vans ne peuvent atteindre. Et c’est dans ces moments que l’on trouve de véritables joyaux. Il y a tellement d’endroit loin de tout qui sont tout aussi beau que certaines merveilles du monde. Vraiment ! Il faut savoir se perdre et rester curieux.

Je ne pourrais dire si cela est plus simple ou plus difficile. C’est plus simple de se balader et explorer mais plus compliqué n’étant pas assis confortablement dans un bus. Plus simple d’être en contact avec les locaux mais plus dur physiquement. Plus simple de trouver des petits villages isolés mais plus dur physiquement pour les atteindre. 

Tout est une question d’équilibre et d’amour pour le deux-roues. Pour ceux qui aiment rouler, qui sont curieux, qui aiment avoir quelques galères parfois et se surpasser alors oui, c’est plus simple en deux roues. En tout cas, c’est plus simple d’être heureux ça c’est sûr !

Régulièrement je me disais: « Tu es exactement où tu devrais être »

clément amérique du sud
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Ce qui t’a le plus surpris ?

Ce qui m’a beaucoup marqué, ce sont les grands espaces vierges et la variété des paysages. Jungle, haute montagne, vallée verdoyante, désert, glacier, plaine immense, lac, forêt millénaire et j’en passe. C’est juste bluffant de pouvoir évoluer dans ce genre d’environnement et passer de l’un à l’autre par ses propres moyens. 

Bien évidemment, la surprise fait partie du quotidien de toute personne posant ses roues sur ce territoire. La cuisine, les cultures, les relations avec la nature et avec les autres, la solidarité, les valeurs. Chaque catégorie regorge de ses trésors.

Mais ce qui m’a le plus surpris, je dois l’avouer, c’est moi-même. Mon évolution personnelle pendant le périple. J’ai creusé dans certains aspects de ma personnalité et je suis allé chercher au plus profond de moi des capacités que j’ignorais. C’est aussi ça sortir de sa zone de confort. Se surpasser et aller vraiment comprendre ce dont on est capable et qui l’on est. 

Un nouvel aspect que seules la moto et la solitude auraient pu me procurer. Je ne suis pas un bon pilote, je ne suis pas un bon mécanicien. Mais quand on fait face à une difficulté, on n’a pas d’autres choix que de trouver une solution et d’avancer. « Abandonner » n’existe pas. 

Non pas par fierté ou égo mais tout simplement car c’est physiquement ou logistiquement impossible. Une panne au milieu de nulle part et l’incapacité d’appeler de l’aide par exemple. Abandonner signifierai rester assis à côté de la moto et attendre la mort… 

Parfois le choix, nous ne l’avons pas, et c’est dans ces moments-là que l’on trouve chez nous une capacité d’adaptation que l’on ignorait sûrement. Et que c’est bon !

clément amérique du sud

Tes plus belles rencontres ? 

Le plus beau moment échangé avec des locaux est sans aucun doute lors de mon passage à Rio de Janeiro, lieu de la première action solidaire du projet. 

Avec 2 membres de l’association Terr’Ativa, nous sommes allés acheter pour presque 1000€ de matériel scolaire. Le lendemain, nous avions organisé une petite fête avec tous les enfants de la favela qui dépendent de l’association en question. Nous avons passé un moment ensemble incroyable. Un moment de partage et de joie pure sans rien de superficiel. 

Malgré la barrière de la langue, mes notions de portugais apprises sur la route m’ont permises d’échanger avec les enfants. Les sourires de chacun d’entre eux resteront gravés dans ma mémoire ! 

Ils étaient si heureux de recevoir du matériel neuf mais je pense que ce qui les a le plus marqués, c’est le fait que beaucoup d’étrangers (moi-même mais aussi l’ensemble des 100 donateurs) se soucient d’eux, pensent à eux et ne les oublient pas. 

Plus qu’une aide matérielle, c’était un message d’espoir que je voulais offrir. Je pense avoir réussi cette mission et je suis certain d’avoir été le plus ému de tous cette journée. 

Clement Rouche

Ta plus belle galère ? 

J’ai eu beaucoup de pépins. Physique, logistique, accident, moto qui commence à prendre feu, nuit dans une décharge, mauvaise météo, vent si fort qu’il est impossible de s’arrêter, ensabler sur une plage en pleine marée montante… mais je pense que c’est une fois arrivé à San Pedro de Atacama dans le Nord du Chili que j’ai eu le plus de problèmes « d’un coup ». 

D’abord, on essaie de me voler la moto pendant la nuit. Résultat, contacteur et barillet de la clé cassés. Neiman forcé. Je trouve un moyen de démarrer la moto avec un tournevis en shuntant les fils. Mais plus d’allumage. 

Une semaine de boulot pour comprendre que le problème vient (apparemment) du CDI. Je commande la pièce en Argentine. En attendant son arrivée (bloqué à la douane), je loue un van pour partir à la découverte du Nord du Chili. Le premier jour, on force le van et me vole ma guitare, ma carte bancaire et 1000$ en cash que je gardais en cas de pépins. 

Après une journée au commissariat sans résultat, mon ordinateur ne fonctionne plus correctement et le traitement de mes photos / vidéos est désormais quasi impossible, mon appareil photo ne fait plus la mise au point et l’état de mes épaules est très problématique. Après des tests à l’hôpital, je suis contraint d’être rapatrié en France pour me remettre sur pied. Une fin de voyage imprévue et extrêmement prématurée…

Isolés, la plupart de ces soucis n’est pas si importante que ça. Mais le tout cumulé en moins de 2 semaines a été dur à digérer et reste donc le moment le moins fun de tout le périple. 

Sinon, je dois avouer que j’ai adoré chacune de mes autres galères. J’avais une philosophie qui était que peu importe la merde dans laquelle je me trouvais, j’allais sûrement en rire un jour. Et être énervé ou stressé n’allait absolument pas m’aider à résoudre le problème. Alors autant en rire dès le début. Ce qui peut être paradoxal, quand on se retrouve à éclater de rire tout en éteignant un départ de feu avec du sable à l’arrière de sa bécane. Je rie. Rigole du fait que je rie face à une situation aussi délicate et dangereuse. Rigole encore plus fort… 

« …je dois avouer que j’ai adoré chacune de mes autres galères ! »

clément amérique du sud
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Ton meilleur souvenir ? 

Encore une fois, il est difficile de faire une sélection. Mais le premier moment qui me vient en tête est mon arrivée dans la région de Mendoza. 

Cela faisait plus de 15 000 kms que j’étais sur la route et une grande majorité était le long de la côte brésilienne. J’avais besoin d’un changement d’environnement et les Andes ont toujours été pour moi le cœur de l’aspect exploration de mon périple.

En provenance de Buenos Aires, je devais traverser le pays sur environ 1000 km de ligne droite pas super fun. Je n’attendais qu’une chose : voir les montagnes à l’horizon. 

Un jour, alors que je conduisais sur le bord de la route à m’amuser dans un chemin de terre, je vis pour la première fois les sommets enneigés des Andes. 

Je pensais au premier abord que c’était des nuages… Mais non… C’était bien ce que j’attendais depuis le premier jour de planification du voyage. J’ai littéralement explosé sur la moto. J’ai crié de toutes mes forces. J’ai sauté sur la moto, levé le poing en l’air et j’ai fini par fondre en larmes. C’était très fort !

clément amérique du sud

Quel est l’objet que tu as emporté qui ne t’a jamais servi ? 

Je suis assez fier de moi car il y a très peu d’objets que je n’ai pas utilisés. Je m’étais bien renseigné avant de partir pour n’emporter que le nécessaire et chaque élément que j’ai transporté a été utile. 

Mais je dois avouer, que la canne à pêche achetée sur la route n’a pas été des plus rentables. Je l’ai utilisé. Beaucoup. Mais sans aucun résultat. Une déception et un estomac vide plus tard, les seules autres choses qui n’ont pas été utiles ont été des pièces de rechanges pour la moto (et tant mieux).

clément amérique du sud
clément amérique du sud

Quel serait ton prochain projet ? 

Le prochain projet est déjà en place. Il y en a plusieurs même. D’une part, la transformation d’une Royal Enfield en « bobber » pour pouvoir profiter des routes des Alpes cet été. 

D’autre part, la remise en forme, physique et financière, avant de repartir en Amérique du Sud récupérer Baloo – ma moto – mes affaires et reprendre la route en direction de la Bolivie, du Pérou, de l’Equateur de de la Colombie ! 

Il me reste encore des associations à visiter et à soutenir. J’ai encore beaucoup de choses à voir et à explorer. Que ce soit au niveau des paysages et des locaux, tout comme sur moi-même.

clément amérique du sud

Pour suivre les aventures de Clément, rendez-vous sur son site et retrouvez ses actus sur Facebook clemtakeaway

Par : Clément Rouche
Crédits photos : Clément Rouche

 

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